LES POLITIQUES DE MAURICE BLANCHOT
Revue Lignes n°43
Paru le 14 mars 2014
Contributeurs: Martin Crowley, Michel Surya, Jean-Luc Nancy, Boyan Manchev, Mathilde Girard, David Amar, François Brémondy, David Uhrig
Toutes les politiques de Maurice Blanchot, d’avant-guerre comme d’après-guerre, d’extrême droite comme d’extrême gauche, enfin analysées dans le détail, sans en rien éluder, pour connaître et pour comprendre une trajectoire politique parmi les plus mouvementées, loin de l’image qu’on se fait de leur auteur. Un numéro exceptionnel.
Un important travail restait à faire sur Maurice Blanchot, et il revenait de le faire à ceux qui sont généralement regardés comme ses amis.
Quel travail ? celui qui consiste à mettre au jour, articuler et penser la totalité de sa trajectoire politique. La totalité : sans en rien éluder. Sans rien éluder essentiellement de ce que celui-ci a écrit et pensé (écriture et pensée qui constituèrent une action, et une action manifestement politique) durant les années trente, en tant que journaliste et agitateur de l’extrême droite française. C’est-à-dire ce que l’on connaît le moins de lui, méconnaissance qui n’a pas permis jusqu’ici d’avoir de cette œuvre une vue réellement d’ensemble.
Sujet délicat s’il en est, qui a été mal perçu les rares fois qu’il a été entrepris. Il n’y a pas lieu de s’en étonner. D’abord parce que le temps n’en était pas encore tout à fait venu (la France, même intellectuelle, est généralement réticente à considérer son passé) ; ensuite parce que ce travail a été le plus souvent parcellaire et personnel (ce qui ne retire rien à son mérite, mais dit simplement qu’il n’aura du coup pas été suffisant) ; enfin, parce qu’il n’est pas rare qu’il ait été malintentionné, c’est-à-dire qu’il ait été dû à des personnes qui ne manquaient pas d’autres raisons de ne pas aimer Blanchot.
Tenons donc que le moment est venu de l’entreprendre au fond ; nous sommes plusieurs du moins à l’avoir estimé et à décider de le faire ensemble (offrant donc autant d’angles que possible) et à le faire dans Lignes. Est-il utile de rappeler que c’est dans Lignes justement qu’ont paru, de son vivant et avec son accord, tous les textes politiques de Blanchot, après la guerre, soit, essentiellement, en 1958 et 1968. Qui ont contribué à faire de lui un penseur de la politique considérable, quand la très grande considération qu’on lui montrait jusque-là n’intéressait que sa littérature et sa pensée.
Travail sans concession aucune, déplaisant sans doute – qui n’élude ni n’excuse rien –, mais nécessaire. Qui établit, articule et pense. Établit les faits et les textes ; articule la succession de périodes si contradictoires (l’avant-guerre, l’après-guerre ; l’extrême droite, l’extrême gauche) ; et pense autant que possible la trajectoire que celles-ci dessinent. Trajectoire d’une pensée ainsi rendue visible, quand la trajectoire de l’existence de son auteur échappe, essentiellement se dérobe.
Revue Lignes n°43
Paru le 14 mars 2014
Contributeurs: Martin Crowley, Michel Surya, Jean-Luc Nancy, Boyan Manchev, Mathilde Girard, David Amar, François Brémondy, David Uhrig
Toutes les politiques de Maurice Blanchot, d’avant-guerre comme d’après-guerre, d’extrême droite comme d’extrême gauche, enfin analysées dans le détail, sans en rien éluder, pour connaître et pour comprendre une trajectoire politique parmi les plus mouvementées, loin de l’image qu’on se fait de leur auteur. Un numéro exceptionnel.
Un important travail restait à faire sur Maurice Blanchot, et il revenait de le faire à ceux qui sont généralement regardés comme ses amis.
Quel travail ? celui qui consiste à mettre au jour, articuler et penser la totalité de sa trajectoire politique. La totalité : sans en rien éluder. Sans rien éluder essentiellement de ce que celui-ci a écrit et pensé (écriture et pensée qui constituèrent une action, et une action manifestement politique) durant les années trente, en tant que journaliste et agitateur de l’extrême droite française. C’est-à-dire ce que l’on connaît le moins de lui, méconnaissance qui n’a pas permis jusqu’ici d’avoir de cette œuvre une vue réellement d’ensemble.
Sujet délicat s’il en est, qui a été mal perçu les rares fois qu’il a été entrepris. Il n’y a pas lieu de s’en étonner. D’abord parce que le temps n’en était pas encore tout à fait venu (la France, même intellectuelle, est généralement réticente à considérer son passé) ; ensuite parce que ce travail a été le plus souvent parcellaire et personnel (ce qui ne retire rien à son mérite, mais dit simplement qu’il n’aura du coup pas été suffisant) ; enfin, parce qu’il n’est pas rare qu’il ait été malintentionné, c’est-à-dire qu’il ait été dû à des personnes qui ne manquaient pas d’autres raisons de ne pas aimer Blanchot.
Tenons donc que le moment est venu de l’entreprendre au fond ; nous sommes plusieurs du moins à l’avoir estimé et à décider de le faire ensemble (offrant donc autant d’angles que possible) et à le faire dans Lignes. Est-il utile de rappeler que c’est dans Lignes justement qu’ont paru, de son vivant et avec son accord, tous les textes politiques de Blanchot, après la guerre, soit, essentiellement, en 1958 et 1968. Qui ont contribué à faire de lui un penseur de la politique considérable, quand la très grande considération qu’on lui montrait jusque-là n’intéressait que sa littérature et sa pensée.
Travail sans concession aucune, déplaisant sans doute – qui n’élude ni n’excuse rien –, mais nécessaire. Qui établit, articule et pense. Établit les faits et les textes ; articule la succession de périodes si contradictoires (l’avant-guerre, l’après-guerre ; l’extrême droite, l’extrême gauche) ; et pense autant que possible la trajectoire que celles-ci dessinent. Trajectoire d’une pensée ainsi rendue visible, quand la trajectoire de l’existence de son auteur échappe, essentiellement se dérobe.