DAVID LAPOUJADE
DELEUZE, LES MOUVEMENTS ABERRANTS
Les Éditions de Minuit (16 octobre 2014)
Collection : Paradoxe
Pourquoi intituler cette étude : Deleuze, les mouvements aberrants ? C'est que, au premier abord, sa philosophie - et celle construite avec Félix Guattari - se présentent comme une sorte d'encyclopédie de mouvements aberrants. C'est ce qu'il a cherché dans le cinéma, dans la peinture, la littérature, les sciences, dans l'histoire des sociétés, dans la philosophie, et partout. Ainsi par exemple, les déformations des figures de Francis Bacon, les non-sens de Lewis Carroll, les lignes destructrices et créatrices des populations nomades à travers l'histoire, la démence du système capitaliste, les processus schizophréniques qui forment l'inconscient, toutes les forces qui traversent la vie et la pensée. Voilà ce qu'il faut d'abord expliquer : la présence de ces mouvements aberrants Mais on ne peut pas s'en tenir là. La philosophie ne peut pas se contenter de les décrire ou d'en dresser la carte, elle doit rendre raison de ces mouvements. D'où un deuxième aspect, tout aussi important : il faut produire les logiques irrationnelles de ces mouvements aberrants. C'est l'une des grandes nouveautés de l'oeuvre de Deleuze et Guattari : créer de nouvelles logiques, loin des modèles rationnels classiques, mais aussi loin de modèles contemporains, comme le marxisme ou le structuralisme orthodoxes des années 1960-1980. Mais ces logiques n'ont rien d'abstrait, au contraire : ce que veulent faire Deleuze et Guattari, c'est dégager les logiques de tous les modes de peuplements de la terre. Par peuplement, il ne faut pas seulement entendre les populations humaines, mais les populations géologiques, animales, cosmiques ou encore les populations mathématiques, esthétiques, philosophiques qui peuplent la pensée des hommes. Quelle est la logique de tous ces peuplements ? Poser une telle question, ce n'est pas seulement demander des explications, mais exiger des justifications. Par exemple, pour le capitalisme : de quel droit se déploie-t-il sur la terre ? De quel droit s'approprie-t-il nos cerveaux pour le peupler d'images et de sons ?
De quel droit asservit-il les corps ? Aux logiques que le capitalisme met en oeuvre, ne faut-il pas opposer d'autres logiques, celles justement des mouvements aberrants ? Dès lors, la philosophie devient inséparable de combats contre toutes les formes d'organisation - politique, sociale, philosophique, esthétique, scientifique - qui tentent de nier, de conjurer, d'écraser l'existence de ces mouvements aberrants. Ce sont ces questions que cette étude examine, en proposant une traversée de toute la philosophie de Deleuze.
DELEUZE, LES MOUVEMENTS ABERRANTS
Les Éditions de Minuit (16 octobre 2014)
Collection : Paradoxe
Pourquoi intituler cette étude : Deleuze, les mouvements aberrants ? C'est que, au premier abord, sa philosophie - et celle construite avec Félix Guattari - se présentent comme une sorte d'encyclopédie de mouvements aberrants. C'est ce qu'il a cherché dans le cinéma, dans la peinture, la littérature, les sciences, dans l'histoire des sociétés, dans la philosophie, et partout. Ainsi par exemple, les déformations des figures de Francis Bacon, les non-sens de Lewis Carroll, les lignes destructrices et créatrices des populations nomades à travers l'histoire, la démence du système capitaliste, les processus schizophréniques qui forment l'inconscient, toutes les forces qui traversent la vie et la pensée. Voilà ce qu'il faut d'abord expliquer : la présence de ces mouvements aberrants Mais on ne peut pas s'en tenir là. La philosophie ne peut pas se contenter de les décrire ou d'en dresser la carte, elle doit rendre raison de ces mouvements. D'où un deuxième aspect, tout aussi important : il faut produire les logiques irrationnelles de ces mouvements aberrants. C'est l'une des grandes nouveautés de l'oeuvre de Deleuze et Guattari : créer de nouvelles logiques, loin des modèles rationnels classiques, mais aussi loin de modèles contemporains, comme le marxisme ou le structuralisme orthodoxes des années 1960-1980. Mais ces logiques n'ont rien d'abstrait, au contraire : ce que veulent faire Deleuze et Guattari, c'est dégager les logiques de tous les modes de peuplements de la terre. Par peuplement, il ne faut pas seulement entendre les populations humaines, mais les populations géologiques, animales, cosmiques ou encore les populations mathématiques, esthétiques, philosophiques qui peuplent la pensée des hommes. Quelle est la logique de tous ces peuplements ? Poser une telle question, ce n'est pas seulement demander des explications, mais exiger des justifications. Par exemple, pour le capitalisme : de quel droit se déploie-t-il sur la terre ? De quel droit s'approprie-t-il nos cerveaux pour le peupler d'images et de sons ?
De quel droit asservit-il les corps ? Aux logiques que le capitalisme met en oeuvre, ne faut-il pas opposer d'autres logiques, celles justement des mouvements aberrants ? Dès lors, la philosophie devient inséparable de combats contre toutes les formes d'organisation - politique, sociale, philosophique, esthétique, scientifique - qui tentent de nier, de conjurer, d'écraser l'existence de ces mouvements aberrants. Ce sont ces questions que cette étude examine, en proposant une traversée de toute la philosophie de Deleuze.