ISIDORE ISOU
ŒUVRES DE CINÉMA 1951-1999
Commissariat : Éric Fabre, Roland Sabatier
Fondation du doute
6, rue Franciade - Blois
11-04-2015 - 14-06-2015
Avec l’exposition consacrée au cinéma d’Isou, présentée à la Fondation du doute, c’est certes, un aspect du travail de cet artiste qui est mis en avant, mais cette réflexion sur le cinéma et les productions qui en découlent, constitue une bonne synthèse des positions de cet artiste, de ces engagements, de sa dévorante volonté d’invention si présente dans la réalisation de son film manifeste « Traité de bave et d’éternité » de 1951. C’est une occasion, par les documents en particulier sonores que nous mettons à disposition du public, de rencontrer ce personnage hors du commun.
Isidore Isou est probablement le plus méconnu des artistes majeurs de la deuxième moitié du XXe siècle. Né à Botosani en Roumanie en 1925, décédé à Paris en 2007, de son vrai nom Jean-Isidore Goldstein, il fut poète, dramaturge, romancier, économiste, éditeur, peintre, cinéaste. Adolescent, il s’intéresse aux œuvres des grands auteurs. Jeune homme surdoué, à 20 ans il fonde le mouvement lettriste en 1945, un mouvement culturel qui vise à transformer l’ensemble des branches du Savoir. Il est l’auteur d’une œuvre impressionnante et protéiforme, aussi bien dans le domaine des arts que dans celui des sciences ou de l’économie ; de nombreux ouvrages ont vu le jour, publiés ou diffusés : entre autres « Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique » chez Gallimard en 1947, « Introduction à une esthétique imaginaire » en 1956, l’Art supertemporel en 1960 et dans les domaines du cinéma, le film primé à Cannes « Traité de bave et d’éternité » en 1951, « Esthétique du cinéma » en 1952. Dans les domaines de la science, un « Traité d’économie nucléaire » en 1949, un « Manifeste pour une nouvelle psychokladologie et une nouvelle psychothérapie » en 1971, divers traités de mathématiques, de physique ou chimie. En philosophie, un ouvrage monumental qui se déploie de 1941 à 1976 « La Créatique et la Novatique », et dans les domaines des techniques ou en théologie, il en va de même avec une grande profusion de textes.
En 1976, lorsqu’il est interviewé dans l’émission Radioscopie de Jacques Chancel, Isidore Isou a déjà publié plus de 200 ouvrages. Pour chaque domaine, il propose des définitions et des réalisations inédites, avec cette idée de création et de novation abordée pour tous les domaines de la culture ; il veut développer une méthode de création pour tous afin que tout le monde puisse apporter de nouvelles choses ; Isidore Isou se veut modestement le « Descartes de la création », une ambition en vue d’améliorer le monde, de préserver la société des crises systémiques au profit d’un univers paradisiaque de la création.
Le Lettrisme est une école, un mouvement artistique comme le Romantisme, ou le Surréalisme. En exergue, Isidore Isou définit d’abord le lettrisme comme une tentative de bouleversement de la prose pour une écriture multiple mélangeant les formes, les images, les signes, les graphiques. Toutes les combinaisons de mots ayant été utilisées, il faut briser les mots. L’art des vers a trouvé un nouveau matériel les lettres, la poésie devient musique ; il faut réduire la peinture à la lettre ; toutes les formes plastiques doivent être réinventées. Nombre d’artistes se sont retrouvés dans cette avant-garde qui a ouvert la voie au Situationnisme, à Fluxus, à l’Art conceptuel. « Grâce à Isou, dit Ben, j’ai compris que l’important n’est pas la beauté, mais la nouveauté, la création ».
Isidore Isou Œuvres de cinéma 1951-1999
Aujourd’hui, le pavillon d’exposition de la Fondation du doute se transforme en 7 salles de “Cinéma”, une sorte de complexe cinématographique, salles noires pour de véritables diffusions ou salles avec textes et accessoires pour films supertemporels à réaliser par les spectateurs eux-mêmes...
Les films présentés sont :
1. Traité de bave et d’éternité, 1951
Film discrépant et ciselant réalisé entre 1950 et 1951 en 35 mm, n&b, sonore, 120min ; Œuvre manifeste avec Jean Cocteau, Daniel Gélin, Jean- Louis Barrault, Marcel Achard, Blaise Cendrars... Présenté à Cannes, il reçoit le prix des spectateurs d’avant-garde.
2. Amos ou introduction à la métagraphologie, 1953, éd. Arcanes′
La diffusion d’un film sous l’aspect d’un livre, 9 photographies minutieusement rehaussées à la gouache de signes, constituent la bande image du film alors que le texte qui les accompagne, constitue la bande son ; la naissance du film hypergraphique, les définitions d’une multiécriture lettriste.
3. Le film supertemporel ou la salle des idiots, 1960 et Débats sur le cinéma, 1960
Deux films supertemporels avec le son et les images entièrement réalisés par les spectateurs dans la salle.
4. L’auberge espagnole, 1965
Film supertemporel « à provocation simple, simple inversée, double et polyvalente » avec la participation du public.
5. Questions/réponses, 1967
Film supertemporel avec dispositif scénique, une suite de questions réponses constitue le film dont l’auteur est amené à offrir des récompenses au plus méritant des participants.
6. Son nom est nuance, 1992
Film ciselant et discrépant, projeté sur des écrans composés de panneaux de bois sur lesquels sont fixés différentes mécaniques végétales.
7. Fleur de browning, 1999
Film anti-supertemporel, film vidéo, sonore, 56 min. Conçu par Roland Sabatier avec l’approbation d’Isidore Isou. La bande image vient en discrépance avec le son exposant la chronologie de témoignage visuel concernant Isidore Isou et ses créations.
Lettrisme et Cinéma
Le Lettrisme tel qu’envisagé par son inventeur, dans « Introduction à une nouvelle poésie′et à une nouvelle musique » contenant « le manifeste de la poésie Lettriste » paru en 1947, produit une nouvelle poésie qui bouleverse la vie intellectuelle de l’après-guerre. La lettre devient la particule commune à tous les arts : la poésie alphabétique, la musique où les notes sont remplacées par des lettres, la peinture de la lettre et du signe.
Le cinéma, qui était défini dans « Esthétique du cinéma » (1952) d’Isou comme l’art de l’écoulement dans le temps de la reproduction, est progressivement détruit dans ses valeurs quand s’opère comme dans « Traité de Bave et d’Éternité », d’une part la disjonction du son et de l’image (le montage discrépant), mais aussi la ciselure des images, les rayures et les attaques de l’image (l’image ciselée). La bande sonore, dans cette nouvelle conception cinématographique, s’épanouit pleinement sans égard à ce que montrent les images. Isidore Isou parvient même à créer « le film ou l’œuvre débat », où la réalisation du film est réduite au simple débat sur le cinéma entre les spectateurs.
« Le cinéma hypergraphique », comme dans « Amos ou introduction à la métagraphologie » (1953), entre dans l’art hypergraphique défini par Isou, un art basé sur l’organisation de l’ensemble des signes de la communication visuelle, signes alphabétiques, lexiques et idéographiques, acquis ou possibles, existants ou inventés.
Enfin « le film supertemporel » s’appuie sur la définition du cadre supertemporel, établi par Isou en 1960, et se définit par l’idée qu’une œuvre achevée est la négation des œuvres à faire. Une proposition faite aux amateurs pour travailler des « supports vides », de travailler à leur forme durant « des siècles et des siècles », comme la forme d’un art infinitésimal.
ŒUVRES DE CINÉMA 1951-1999
Commissariat : Éric Fabre, Roland Sabatier
Fondation du doute
6, rue Franciade - Blois
11-04-2015 - 14-06-2015
Avec l’exposition consacrée au cinéma d’Isou, présentée à la Fondation du doute, c’est certes, un aspect du travail de cet artiste qui est mis en avant, mais cette réflexion sur le cinéma et les productions qui en découlent, constitue une bonne synthèse des positions de cet artiste, de ces engagements, de sa dévorante volonté d’invention si présente dans la réalisation de son film manifeste « Traité de bave et d’éternité » de 1951. C’est une occasion, par les documents en particulier sonores que nous mettons à disposition du public, de rencontrer ce personnage hors du commun.
Isidore Isou est probablement le plus méconnu des artistes majeurs de la deuxième moitié du XXe siècle. Né à Botosani en Roumanie en 1925, décédé à Paris en 2007, de son vrai nom Jean-Isidore Goldstein, il fut poète, dramaturge, romancier, économiste, éditeur, peintre, cinéaste. Adolescent, il s’intéresse aux œuvres des grands auteurs. Jeune homme surdoué, à 20 ans il fonde le mouvement lettriste en 1945, un mouvement culturel qui vise à transformer l’ensemble des branches du Savoir. Il est l’auteur d’une œuvre impressionnante et protéiforme, aussi bien dans le domaine des arts que dans celui des sciences ou de l’économie ; de nombreux ouvrages ont vu le jour, publiés ou diffusés : entre autres « Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique » chez Gallimard en 1947, « Introduction à une esthétique imaginaire » en 1956, l’Art supertemporel en 1960 et dans les domaines du cinéma, le film primé à Cannes « Traité de bave et d’éternité » en 1951, « Esthétique du cinéma » en 1952. Dans les domaines de la science, un « Traité d’économie nucléaire » en 1949, un « Manifeste pour une nouvelle psychokladologie et une nouvelle psychothérapie » en 1971, divers traités de mathématiques, de physique ou chimie. En philosophie, un ouvrage monumental qui se déploie de 1941 à 1976 « La Créatique et la Novatique », et dans les domaines des techniques ou en théologie, il en va de même avec une grande profusion de textes.
En 1976, lorsqu’il est interviewé dans l’émission Radioscopie de Jacques Chancel, Isidore Isou a déjà publié plus de 200 ouvrages. Pour chaque domaine, il propose des définitions et des réalisations inédites, avec cette idée de création et de novation abordée pour tous les domaines de la culture ; il veut développer une méthode de création pour tous afin que tout le monde puisse apporter de nouvelles choses ; Isidore Isou se veut modestement le « Descartes de la création », une ambition en vue d’améliorer le monde, de préserver la société des crises systémiques au profit d’un univers paradisiaque de la création.
Le Lettrisme est une école, un mouvement artistique comme le Romantisme, ou le Surréalisme. En exergue, Isidore Isou définit d’abord le lettrisme comme une tentative de bouleversement de la prose pour une écriture multiple mélangeant les formes, les images, les signes, les graphiques. Toutes les combinaisons de mots ayant été utilisées, il faut briser les mots. L’art des vers a trouvé un nouveau matériel les lettres, la poésie devient musique ; il faut réduire la peinture à la lettre ; toutes les formes plastiques doivent être réinventées. Nombre d’artistes se sont retrouvés dans cette avant-garde qui a ouvert la voie au Situationnisme, à Fluxus, à l’Art conceptuel. « Grâce à Isou, dit Ben, j’ai compris que l’important n’est pas la beauté, mais la nouveauté, la création ».
Isidore Isou Œuvres de cinéma 1951-1999
Aujourd’hui, le pavillon d’exposition de la Fondation du doute se transforme en 7 salles de “Cinéma”, une sorte de complexe cinématographique, salles noires pour de véritables diffusions ou salles avec textes et accessoires pour films supertemporels à réaliser par les spectateurs eux-mêmes...
Les films présentés sont :
1. Traité de bave et d’éternité, 1951
Film discrépant et ciselant réalisé entre 1950 et 1951 en 35 mm, n&b, sonore, 120min ; Œuvre manifeste avec Jean Cocteau, Daniel Gélin, Jean- Louis Barrault, Marcel Achard, Blaise Cendrars... Présenté à Cannes, il reçoit le prix des spectateurs d’avant-garde.
2. Amos ou introduction à la métagraphologie, 1953, éd. Arcanes′
La diffusion d’un film sous l’aspect d’un livre, 9 photographies minutieusement rehaussées à la gouache de signes, constituent la bande image du film alors que le texte qui les accompagne, constitue la bande son ; la naissance du film hypergraphique, les définitions d’une multiécriture lettriste.
3. Le film supertemporel ou la salle des idiots, 1960 et Débats sur le cinéma, 1960
Deux films supertemporels avec le son et les images entièrement réalisés par les spectateurs dans la salle.
4. L’auberge espagnole, 1965
Film supertemporel « à provocation simple, simple inversée, double et polyvalente » avec la participation du public.
5. Questions/réponses, 1967
Film supertemporel avec dispositif scénique, une suite de questions réponses constitue le film dont l’auteur est amené à offrir des récompenses au plus méritant des participants.
6. Son nom est nuance, 1992
Film ciselant et discrépant, projeté sur des écrans composés de panneaux de bois sur lesquels sont fixés différentes mécaniques végétales.
7. Fleur de browning, 1999
Film anti-supertemporel, film vidéo, sonore, 56 min. Conçu par Roland Sabatier avec l’approbation d’Isidore Isou. La bande image vient en discrépance avec le son exposant la chronologie de témoignage visuel concernant Isidore Isou et ses créations.
Lettrisme et Cinéma
Le Lettrisme tel qu’envisagé par son inventeur, dans « Introduction à une nouvelle poésie′et à une nouvelle musique » contenant « le manifeste de la poésie Lettriste » paru en 1947, produit une nouvelle poésie qui bouleverse la vie intellectuelle de l’après-guerre. La lettre devient la particule commune à tous les arts : la poésie alphabétique, la musique où les notes sont remplacées par des lettres, la peinture de la lettre et du signe.
Le cinéma, qui était défini dans « Esthétique du cinéma » (1952) d’Isou comme l’art de l’écoulement dans le temps de la reproduction, est progressivement détruit dans ses valeurs quand s’opère comme dans « Traité de Bave et d’Éternité », d’une part la disjonction du son et de l’image (le montage discrépant), mais aussi la ciselure des images, les rayures et les attaques de l’image (l’image ciselée). La bande sonore, dans cette nouvelle conception cinématographique, s’épanouit pleinement sans égard à ce que montrent les images. Isidore Isou parvient même à créer « le film ou l’œuvre débat », où la réalisation du film est réduite au simple débat sur le cinéma entre les spectateurs.
« Le cinéma hypergraphique », comme dans « Amos ou introduction à la métagraphologie » (1953), entre dans l’art hypergraphique défini par Isou, un art basé sur l’organisation de l’ensemble des signes de la communication visuelle, signes alphabétiques, lexiques et idéographiques, acquis ou possibles, existants ou inventés.
Enfin « le film supertemporel » s’appuie sur la définition du cadre supertemporel, établi par Isou en 1960, et se définit par l’idée qu’une œuvre achevée est la négation des œuvres à faire. Une proposition faite aux amateurs pour travailler des « supports vides », de travailler à leur forme durant « des siècles et des siècles », comme la forme d’un art infinitésimal.