LES MARQUES AVEUGLES
commissariat de Katya García-Antón et Emilie Bujès
Centre d'Art Contemporain
Rue des Vieux-Grenadiers 10 - Geneve
25.11.2011 – 22.01.2012
Une image fixe de l’aéroport d’Orly, et cette phrase presque aussi emblématique que le film : « Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance » ; ainsi s’ouvre « La Jetée » (1962) de Chris Marker. L’exposition intitulée LES MARQUES AVEUGLES prend pour point de départ cette œuvre, devenue classique, pour une réflexion contemporaine sur le temps et la mémoire, et plus spécifiquement la relation entre image et empreinte, trace, traumatisme, dans un rapport étroit à la photographie.
Avec : Rosa Barba, Pavel Büchler, Hollis Frampton, Louise Hervé et Chloé Maillet, Robert-Jan Lacombe, Chris Marker, Katja Mater, Wendelien van Oldenborgh, Margaret Salmon, Hito Steyerl, Gitte Villesen, Akram Zaatari. Projections: Chantal Akerman, James Benning, Brent Green, Isidore Isou, William E. Jones.
Il est possible que l’acte de se souvenir soit indissociable de la mise en scène, du cadrage et du dispositif même de la photographie. « On photographie les objets pour les chasser de son esprit » (Kafka) ; la photographie pourrait se substituer à la mémoire, devenir en quelque sorte une archive du souvenir. Mais peut-être le cœur de la problématique repose-t-il à fortiori sur la question du cadrage. La photographie sans doute cristallise un fragment de réel – même si ce « réel » peut à tout moment être remis en question par la nature du support photographique qui forcément n’est qu’un leurre –; ce fragment cependant ne semble pas plus signifiant que les éléments se situant hors de son cadre, qui s’étant dérobés à l’image, s’adressent à l’imagination. De quelle façon cette dialectique entre présent et absent, tangible et immatériel, peut-elle être envisagée, alors même qu’elle s’adosse à un paradoxe ?
Comme pour le traumatisme – évènement brutal inscrit dans l’inconscient, qui ne peut être identifié qu’à postériori comme souvenir, trace – ce qui n’est pas visible dans la photographie est néanmoins présent et essentiel. Ce paradoxe est par ailleurs également fondamental au medium filmique, qui non seulement illustre de façon emblématique cette présence/absence dans le dispositif de la projection et de l’écran – faisant office de cache –, mais aussi dans son fonctionnement même, la simulation du mouvement découlant de la différence entre les images. Il est question de ce que l’on voit, mais à plus forte raison encore, tel un portrait en creux, de ce qui n’est pas donné à voir, ce que l’on perçoit. Absence, disparition, inconscient, sont autant de stratégies et mécanismes mis en place dans les œuvres présentées dans LES MARQUES AVEUGLES.
Ces œuvres principalement filmiques développent toutes un rapport plus ou moins direct et étroit à la photographie. Ce lien, intrinsèque ou exacerbé, ajoute naturellement la question du montage à celles de la photographie et de la mémoire. Outre l’interruption, la répétition semble être dans ce contexte l’élément charnière de ce mécanisme : la répétition, restaurant la possibilité de ce qui a été, rend en effet cet objet par là-même et de façon paradoxale à nouveau possible (Agamben). La mémoire dispose du pouvoir de rétablir les différentes potentialités d’un passé.
Le projet propose un parcours conceptuel et formel à travers ces lignes de réflexion, qui se développent dans l’exposition, une performance au mois de janvier, et une série de projections aux cinémas du Grütli, permettant non seulement d’élargir le spectre du type d’œuvres présentées, mais également leur format et réception.
commissariat de Katya García-Antón et Emilie Bujès
Centre d'Art Contemporain
Rue des Vieux-Grenadiers 10 - Geneve
25.11.2011 – 22.01.2012
Une image fixe de l’aéroport d’Orly, et cette phrase presque aussi emblématique que le film : « Ceci est l’histoire d’un homme marqué par une image d’enfance » ; ainsi s’ouvre « La Jetée » (1962) de Chris Marker. L’exposition intitulée LES MARQUES AVEUGLES prend pour point de départ cette œuvre, devenue classique, pour une réflexion contemporaine sur le temps et la mémoire, et plus spécifiquement la relation entre image et empreinte, trace, traumatisme, dans un rapport étroit à la photographie.
Avec : Rosa Barba, Pavel Büchler, Hollis Frampton, Louise Hervé et Chloé Maillet, Robert-Jan Lacombe, Chris Marker, Katja Mater, Wendelien van Oldenborgh, Margaret Salmon, Hito Steyerl, Gitte Villesen, Akram Zaatari. Projections: Chantal Akerman, James Benning, Brent Green, Isidore Isou, William E. Jones.
Il est possible que l’acte de se souvenir soit indissociable de la mise en scène, du cadrage et du dispositif même de la photographie. « On photographie les objets pour les chasser de son esprit » (Kafka) ; la photographie pourrait se substituer à la mémoire, devenir en quelque sorte une archive du souvenir. Mais peut-être le cœur de la problématique repose-t-il à fortiori sur la question du cadrage. La photographie sans doute cristallise un fragment de réel – même si ce « réel » peut à tout moment être remis en question par la nature du support photographique qui forcément n’est qu’un leurre –; ce fragment cependant ne semble pas plus signifiant que les éléments se situant hors de son cadre, qui s’étant dérobés à l’image, s’adressent à l’imagination. De quelle façon cette dialectique entre présent et absent, tangible et immatériel, peut-elle être envisagée, alors même qu’elle s’adosse à un paradoxe ?
Comme pour le traumatisme – évènement brutal inscrit dans l’inconscient, qui ne peut être identifié qu’à postériori comme souvenir, trace – ce qui n’est pas visible dans la photographie est néanmoins présent et essentiel. Ce paradoxe est par ailleurs également fondamental au medium filmique, qui non seulement illustre de façon emblématique cette présence/absence dans le dispositif de la projection et de l’écran – faisant office de cache –, mais aussi dans son fonctionnement même, la simulation du mouvement découlant de la différence entre les images. Il est question de ce que l’on voit, mais à plus forte raison encore, tel un portrait en creux, de ce qui n’est pas donné à voir, ce que l’on perçoit. Absence, disparition, inconscient, sont autant de stratégies et mécanismes mis en place dans les œuvres présentées dans LES MARQUES AVEUGLES.
Ces œuvres principalement filmiques développent toutes un rapport plus ou moins direct et étroit à la photographie. Ce lien, intrinsèque ou exacerbé, ajoute naturellement la question du montage à celles de la photographie et de la mémoire. Outre l’interruption, la répétition semble être dans ce contexte l’élément charnière de ce mécanisme : la répétition, restaurant la possibilité de ce qui a été, rend en effet cet objet par là-même et de façon paradoxale à nouveau possible (Agamben). La mémoire dispose du pouvoir de rétablir les différentes potentialités d’un passé.
Le projet propose un parcours conceptuel et formel à travers ces lignes de réflexion, qui se développent dans l’exposition, une performance au mois de janvier, et une série de projections aux cinémas du Grütli, permettant non seulement d’élargir le spectre du type d’œuvres présentées, mais également leur format et réception.