FELIX GUATTARI
LIGNES DE FUITE
Pour un autre monde de possibles
Editions de l'Aube, 4/11/2011
collection "Monde en cours"
Lignes de fuite, rédigé en 1979-1980 - avant Mille Plateaux - est un ouvrage théorique d’importance. Outre le lexique, la furie néologique et le style de Guattari, reconnaissables à mille lieues («agencements collectifs du désir», «cartes et rhizomes», «reterritorialisation», «accélérations sémiotiques», «schizoanalyse»), on y trouve l’essentiel de sa pensée, dont le label pourrait être celui de transversalité, qui lui fait découvrir des connexions inédites, fabriquer des passerelles et des interactions entre individus, groupes, mouvements, investissements libidinaux, domaines du savoir, pratiques sociales et politiques. Dans la préface, Liane Mozère résume la question que pose Lignes de fuite : «Comment agir dans le capitalisme mondial intégré afin de faire advenir des possibles ?» On devine que, pour y répondre, Guattari ne rédige pas des manifestes politiques. Il démonte ce que Michel Foucault nommait déjà la «microphysique des pouvoirs», la façon «moléculaire» qu’a le pouvoir non seulement d’investir, pour les rendre inaltérables, les institutions politiques, mais aussi la subjectivité, que des règles de langage, des codes, des valeurs, des protocoles assujettissent aussi bien et rendent conformes aux intérêts du pouvoir. Aussi commence-t-il par le «fond» même de cette subjectivité, à savoir l’inconscient, lequel, «ni individuel ni collectif», n’est pas, comme le pensait Lacan, «structuré comme un langage», mais comme «une multiplicité de modes de sémiotisation».
- R. Maggiori (Liberation, 19/1/2012)